Droit des marches publics
mars 27, 2023

Article droit des marches publics

LA RENONCIATION DU TITULAIRE D’UN MARCHE PUBLIC APRES NOTIFICATION DU MARCHE PUBLIC ENGAGE SA RESPONSABILITE CONTRACTUELLE 

Conformément à l’article R.2182-4 du Code de la Commande Publique :


  • L'acheteur notifie le marché au titulaire.
  • Le marché prend effet à la date de réception de la notification.


La notification du marché au titulaire, qui doit intervenir après la régularisation de l’acte d’engagement et la fourniture par l’attributaire pressenti des pièces nécessaires telles que sollicitées dans le cadre des documents de la consultation, marque ainsi la prise d’effet du contrat.

Dès lors, après notification du marché, il y a lieu de considérer :



  • d’une part, que les deux parties, soit l’opérateur économique et l’acheteur, sont engagés contractuellement et que seule une décision de résiliation ou une décision de classement sans suite est susceptible de mettre un terme audit marché ;
  • d’autre part, et surcroît, il convient de considérer que l’information des candidats évincés du rejet de leur offre les délie de leur engagement (CE, 31 mai 2010, Société Cassan, n°315851). Ainsi, dès lors que les lettres de rejet ont été notifiées, il n’est plus possible d’attribuer le marché à l’entreprise classée en seconde position dans la mesure où l’acheteur ne peut modifier le sens de sa décision, après notification des lettres de rejet pour contraindre l’entreprise à exécuter le marché[1].


Ainsi, l’information des candidats évincés ne doit intervenir qu’après que le candidat auquel il est envisagé d’attribuer le marché a produit l’ensemble des documents nécessaires à la vérification des candidatures et signé son offre.

 

Il en résulte, qu’en cas de renonciation audit marché public, l’acheteur est en droit d’obtenir la réparation de son préjudice lié à l’initiation d’une nouvelle procédure de mise en concurrence.

 

Une décision de résiliation sera prise pour acter de la fin des relations contractuelles en imputant, éventuellement, les frais consécutifs liés à la passation d’un nouveau marché au titulaire.

 

Une décision de classement sans suite peut, également, être envisagée.

 

La jurisprudence est venue préciser, à ce titre, que l’acheteur pouvait solliciter la réparation financière tenant aux nouvelles conditions de prix de l’offre retenue. 


[1] « « Considérant qu'il résulte de l'instruction que la SOCIETE CASSAN a remis le 9 avril 1999 une offre pour le lot de plomberie de l'appel d'offres passé par l'office public de l'habitat Hérault Habitat ; qu'aux termes des stipulations de l'acte d'engagement qu'elle a souscrit, l'offre ainsi présentée la liait contractuellement si l'acceptation de cette offre lui était notifiée dans un délai de 120 jours à compter de la date limite de remise des offres, fixée au 12 avril 1999 ; que la lettre du 11 mai 1999, par laquelle l'office public a informé la SOCIETE CASSAN, comme tous les autres candidats, que son offre n'avait pas été retenue par la commission d'appel d'offres, a eu pour effet de délier contractuellement la SOCIETE CASSAN, ainsi que celle-ci le soutient, de l'engagement précédemment souscrit par elle ; que, dès lors, si l'office public, par une lettre du 27 mai 1999, l'a informée de l'erreur entachant la lettre du 11 mai 1999 et lui a demandé d'accuser réception de la notification du marché, son offre ayant été en réalité retenue par la commission d'appel d'offres, ce marché ne pouvait en tout état de cause être conclu, dans les conditions fixées par l'offre remise par la SOCIETE CASSAN, qu'en recueillant à nouveau l'accord de celle-ci ; que la SOCIETE CASSAN, après que lui a été notifié, par la lettre du 11 mai 1999, un rejet de son offre, a expressément refusé de conclure le marché dont l'attribution lui a ensuite été notifiée le 27 mai 1999 ; qu'il s'ensuit que la SOCIETE CASSAN n'était tenue ni d'exécuter le marché notifié dans ces conditions par l'office public ni, à défaut, d'indemniser l'office de la différence entre le prix du marché qu'il a passé ensuite avec une autre entreprise pour l'exécution des mêmes travaux et le prix de l'offre qu'elle avait elle-même remise et qui avait été retenue par la commission d'appel d'offres » ;

Le préjudice indemnisable peut être égal à la différence entre le montant de l’offre de l’entreprise ayant initialement renoncée au marché et celui de l’offre arrivée seconde et finalement attributaire du marché.


Mots clés : marchés public – Offre – Renonciation à un marché public – entreprises – acheteur public

Droit des marches publics

LA THEORIE DE L’IMPREVISION CONSTITUE UNE VOIE AUTONOME D’INDEMNISATION : LES TITULAIRES D’UN MARCHE PUBLIC PEUVENT USER DE CETTE VOIE DE DROIT POUR SOLLICITER UNE INDEMNISATION DE LEUR PREJUDICE FINANCIER

Conformément aux dispositions de l’article L. 6-3° du code de la commande publique : 


« Lorsque survient un évènement extérieur aux parties, imprévisible et bouleversant temporairement l’équilibre du contrat, le cocontractant, qui en poursuit l’exécution, a droit à une indemnité ».


Le Code de la Commande Publique étant silencieux sur les conditions d’octroi de l’indemnité d’imprévision, il y a lieu de considérer que le législateur n’a pas entendu remettre en cause les conditions posées par la jurisprudence administrative (CE, 30 mars 1916, Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux, n° 59928 ; CE, 21 octobre 2019, Société Alliance, n° 419155).


Les conditions d’indemnisation sur le fondement de la théorie de l’imprévision peuvent être synthétisées comme suit :


  • L’indemnisation de l’imprévision a pour objet de permettre d’assurer la continuité du service public, ce qui implique que seul le cocontractant qui continue à remplir ses obligations contractuelles et subit, de ce fait, un déficit d’exploitation, a droit à une indemnité ;
  • L’indemnité d’imprévision doit rester provisoire. Ainsi, dans l’hypothèse où les événements ayant justifié son octroi perdurent, le Conseil d’Etat a rappelé dans le cadre de son avis d’Assemblée Générale rendu le 15 septembre 2022, que le caractère permanent du bouleversement de l’équilibre économique du contrat fait obstacle à la poursuite de son exécution, de sorte que l’imprévision devient un cas de force majeure justifiant la résiliation du contrat.


Le Juge administratif considère, de manière classique, que l’autorité contractante n’a aucune obligation de conclure avec son cocontractant un nouveau contrat comportant notamment des prix plus élevés que ceux du contrat initial (CE, Sect. 5 novembre 1982, Société Propétrol, n° 19413).


  • S’agissant des modalités d’indemnisation, seules les charges extracontractuelles subies par le titulaire sont susceptibles de faire l’objet d’une indemnisation par la personne publique afin de lui permettre de poursuivre l’exécution de son contrat. En ce sens, le Conseil d’Etat a pu préciser dans le cadre de son dernier avis rendu que :


« S’il est toujours loisible à l’entrepreneur, en cas de circonstances imprévisibles bouleversant l’économie du contrat, de présenter à l’autorité contractante une demande de modification des clauses financières du contrat, il n’a pas de droit à obtenir la révision de ces clauses, mais uniquement une indemnité pour charges extracontractuelles qui, en cas de désaccord de l’autorité contractante, lui sera octroyée, le cas échéant, par le juge ».


La théorie de l’imprévision est ainsi une voie de droit autonome d’indemnisation qui n’est ainsi nullement soumise aux conditions régissant la modification des contrats ci-dessus développés.

 

Cette théorie peut, également, invoquer dans l’hypothèse où la clause de variation n’a pas joué dans des conditions normales conformément aux prévisions des parties.

 

Le Juge administratif admet, en effet, que, pour suppléer à la clause insuffisante, le cocontractant puisse invoquer la théorie de l’imprévision. 


Ces demandes font, toutefois, l’objet d’une analyse rigoureuse du Juge administratif. 


En ce sens, la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans un arrêt rendu le 3 mai 2011, n’a pas manqué de relever la carence d’un titulaire d’un marché public et de contrôler l’ampleur de la modification financière du contrat avant de rejeter la demande du titulaire d’un marché public :


« Sur les charges supplémentaires liées à la hausse des prix de l'acier :


Considérant que faisant valoir que la hausse des cours de l'acier et ses répercussions sur le prix des matériaux a entraîné, pendant la période des travaux, un coût très supérieur à la majoration pour révision des prix prévue au contrat, la société requérante a demandé au maître de l'ouvrage au titre de l'imprévision une indemnité totale de 191 587 euros en compensation de la perte qu'elle aurait subie ;


Considérant que dans l'hypothèse où un événement extérieur aux parties, imprévisible au moment de la conclusion du contrat, a pour effet de bouleverser l'économie du contrat, le titulaire du marché est en droit de réclamer au maître d'ouvrage une indemnité représentant la part de la charge extra contractuelle qu'il a supportée en exécutant les prestations dont il avait la charge ;


Considérant que, d'une part, le cahier des clauses administratives particulières du marché comportait en son article 3-3-4 une clause de révision de prix prévoyant la répercussion sur les prix du marché, des variations des éléments constitutifs du coût des travaux et réglant ces variations par une formule de révision ayant pour référence l'indice TP 02 ouvrage d'art en site terrestre, fluvial ou maritime ; q
ue si la société requérante soutient que du fait du caractère inadapté de l'indice auquel fait référence la formule de révision de prix, l'augmentation brutale du prix des aciers durant la période d'exécution des travaux n'a pas été prise en compte, elle ne pouvait ignorer en tant que professionnelle avisée que la formule de variation de cet indice, eu égard à sa composition, ne permettait de prendre en compte que de manière très partielle les hausses des prix de l'acier utilisé qui devaient ainsi entrer dans ses prévisions ; que, d'autre part, il résulte de l'instruction, en particulier du tableau INSEE, que la variation à la hausse de l'indice TP 02 qui a été de 6,54% sur la période de 9 mois ayant précédé l'établissement des prix du marché n'a été, en comparaison, pendant les 21 mois de la période d'exécution du contrat de septembre 2004 à décembre 2006 que de 8,06% ; que par suite, le moyen tiré d'une augmentation brutale et imprévisible du prix de l'acier postérieurement à la signature du marché ne peut qu'être écarté ; qu'en tout état de cause, la charge supplémentaire alléguée de 191 587 euros HT imputable à la hausse du prix de l'acier correspond à 3% du montant global du marché qui doit être pris comme base de référence dès lors que les membres d'un groupement solidaire d'entreprises sont engagés pour la totalité du marché qui était un marché unique ; que cette augmentation de 3% n'a pas modifié l'économie du contrat dans une proportion suffisante pour ouvrir droit, au profit de l'intéressée, à l'allocation d'une indemnité pour charges extracontractuelles ; qu'ainsi, la société requérante n'est pas fondée à obtenir une indemnisation de l'Etat à ce titre » (CAA Bordeaux, 3 mai 2011, n°10BX01996).

L’indemnisation ne pourra, en tout état de cause, être accordée que sous réserves de la caractérisation du bouleversement de l’économie du contrat. Cette notion est importante dans la mesure où les personnes publiques sont soumises au principe d’interdiction d’octroi de libéralités et qu’elles doivent justifier de chacune de leurs dépenses publiques.


Mots clés : bouleversement de l’économie du contrat – théorie de l’imprévision – indemnisation du titulaire d’un marché public



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